Les Muets, d’Albert Camus
Mon avis
À l’origine j’ai acheté ce livre pour sa première nouvelle La Femme adultère, sujet sur lequel je me demandais bien ce que Camus pouvais avoir à dire… mais je suis complètement passée à côté. Par contre j’ai beaucoup aimé la nouvelle suivante, Les muets. Tirée, comme la première histoire, du recueil L’Exil et le Royaume, « Les muets » se déroule dans une tonnellerie d’Alger. Mais elle pourrait tout aussi bien se dérouler aujourd’hui à Ford Blanquefort ou dans cette usine de béton en photo.
Les muets – allez je vous le dis quand même – ce sont les ouvriers de cette tonnellerie. Après s’être vu refuser une augmentation des salaires suffisantes pour contrebalancer l’inflation, et nier l’importance de leur grève. Les ouvriers ne se sentent pas écoutés et décident alors de se taire. Définitivement.
C’est la première fois que je lis ce genre de sujets comme sujet principal chez un auteur que je considère comme un classique. Bien qu’il ne soit pas surprenant chez Camus !
Auteur humaniste, existentialiste, Camus révèle, s’il en est besoin, la terrible fracture qui existe déjà entre patrons et gens du peuple. Mais il le fait sans complaisance. En prenant le point de vue de Yvars, vieil ouvrier, Camus se choisit un regard distant, usé, un brin désabusé, loin de la violente revendication. Entre les lignes, l’auteur nous invite même à prendre plus de distances encore. Il cherche en effet à alerter son lecteur sur le point de non retour, quand la juste colère se transforme en terrible indifférence. Le moment où l’injustice s’installe à tous les échelons…
La nouvelle est courte. Elle fait 40 pages format poche. Alors si vous êtes intéressé.e.s par une réflexion sur la situation des ouvriers et notre rapport à l’injustice sociale, courez !
Moi, je m’en vais m’acheter le recueil entier !
« (…) on leur avait fermé la bouche, c‘était à prendre ou à laisser, et (…) la colère et l’impuissance font parfois si mal qu’on ne peut même pas crier. »
La 4ème de couverture
Désert et rivages méditerranéens sont le cadre éclatant de la plupart des nouvelles de L’Exil et le Royaume. Ocre et gris, le désert étire à l’infini ses sables et ses pierres où cheminent sans trêve des hommes « qui ne possèdent rien mais ne servent personne ».
Dans cet étrange royaume que Janine entrevoit au-delà des palmeraies s’incarnent la grandeur et la liberté. En contraste, sa propre vie, étriquée. De là naît le drame bref de La Femme adultère.
Même quand l’angoisse ne paralyse pas les aspirations les plus hautes des êtres, ils succombent souvent – tel Le Rénégat, prisonniers de la Ville interdite. Ou bien leurs actes sont mal interprétés, et c’est la tragédie de L’Hôte ou des Muets.
Que peut-on les uns pour les autres ? Saisir le fardeau prêt à choir comme le héros de la Pierre qui pousse ? Quelle ligne de conduite faut-il donc adopter pour rompre l’exil, entrer dans le royaume ? La transparente affabulation de Jonas donne une réponse dont l’humour masque la gravité.
Le Livre de Poche (1957)
Les muets – Albert Camus
Editeur : Folio, 2009 (première édition Gallimard, 1957)
Prix : Exemplaire hors commerce