Souvenirs de la cour d‘assises, d’André Gide
Mon avis
En mai 1912, André Gide parvient, à son plus grand bonheur, à se faire convoquer par la cour d’assises de Rouen pour siéger quelques jours en tant que juré. Il le dit lui même, Gide a toujours été fasciné par les tribunaux.
Ce n’est qu’un témoignage que nous donne à lire Gide, une suite d’événements et de pensées relatées sans prétention, mais il soulève de nombreuses questions.
Dès les premiers jours, Gide se trouve interpellé par cette certitude : face aux jurés, l’accusé (comme la victime) est plus souvent jugé par ses pairs sur son physique, ses vêtements, sa façon de parler. “Il a une sale tête, un physique ingrat, une voix déplaisante ; il n’a pas su se faire écouter. L’opinion est faite.”
Le choix des mots et la façon de les dire pèsent lourd sur la balance. Les bégaiements anxieux ou la colère justifiée d’un accusé innocent, le fou-rire nerveux d’une victime, les envolées plus ou moins lyriques des avocats, tout peut condamner. Le jury ne fait pas d’analyse du discours, n’a pas le temps de se pencher sur la psychologie, la sociologie, etc. Nombre de décisions se font sur l’émotionnel.
Et puis le jury a surtout une tâche primordiale à accomplir, la grande tâche finale : faire entrer un acte aux acteurs et circonstances uniques dans les cases d’une Justice administrative. Un homme a qui on a ôté de le pain de la bouche et qui en vole un autre, coupable ou non coupable ? À vous de cocher la bonne case.
S’enchaînent dans une seule journée un viol sur mineur, une tentative de vol avec violence et le jugement d’un pyromane. Tout est intense. La responsabilité est importante. Il s’agit là de plusieurs vies placées entre les mains de leurs pairs. Celle de la victime mais aussi celle de l’accusé, innocent ou non. Que de responsabilités !
Finalement, c’est une incursion intéressante à la place de juré. Le sujet pose de nombreuses questions dont certaines sont encore bien d’actualité. Je ne connais pas assez le milieu pour savoir ce qui a évolué et ce qui n’a pas changé depuis 1912, mais certaines questions restent intemporelles.
“Il a une sale tête, (…) l’opinion est faite (…) les débats sont clos.”
La 4ème de couverture
Fasciné par la machine judiciaire comme par les aperçus des replis de l’âme humaine que lui apporte son expérience de juré, l’écrivain André Gide asssiste pendant plusieurs semaines à divers procès : affaires de mœurs, infanticide, vols…
Dans ce texte dense et grave, Gide s’interroge sur la justice et son fonctionnement, mais surtout insiste sur la fragile barrière qui sépare les criminels des honnêtes gens.
Editions Folio
Souvenirs de la cour d’assises – André Gide
Editeur : Editions Folio, collection 2€, 1914
Prix : 2€