La femme gélée, d’Annie Ernaux
Mon avis
Annie Ernaux raconte la construction sociale de sa vie de femme. L’éducation “anormale” de ses parents, ayant un système d’organisation familiale équilibré et non genré. L’éducation à la normalité qui s’insinue par l’école, les amis, la belle-famille, le mari. L’entrée dans le moule, la conscience qui s’amollie, la résistance qui disparaît.
Mais aussi, plus tard, la pénible difficulté à faire la part entre ce qui relève du désir réel et ce qui relève du conditionnement. “Pas facile de traquer la part de liberté et celle du conditionnement, je la croyais droite ma ligne de fille, ça part dans tous les sens”. Une question qui restera toujours d’actualité.
Je me retrouve dans les pensées d’Annie Ernaux petite fille, dans ses premiers doutes, ses premières timides remises en question de la “place de la femme”. Ce livre est plein de questionnement. Pourquoi une fille qui expérimente la vie sexuelle est une moins que rien alors qu’un garçon, lui, s’initie ? Pourquoi faudrait-il accepter de perdre son nom en se mariant, n’est-ce que quelque part tirer un trait sur une part de ce que nous sommes ?
En 1970, quand on est une femme il n’est plus mal vu d’exercer un métier, non, mais il faudra le conjuguer avec la gestion quotidienne du ménage, des courses, des enfants. La charge mentale c’est un truc de femme !
Si de manière générale, je trouve que notre société s’éloigne de cette “organisation”, on entend encore trop souvent ce genre d’incitation. Quand, au quotidien, ce sont les femmes qui font à manger, qui partent plus tôt du travail pour récupérer les gosses, quand il n’y a que la fille qui aide la mère au ménage, etc. (j’enfonce des portes ouvertes).
Mais peut-on reprocher aux femmes de nos familles d’être dans le faux ? Il faut tout de même se rappeler que ce sont nos grands-mères, parfois nos mères, qui ont eu “J’élève mon enfant” pour guide en sortie de couches. Qu’en étant tout à la fois employées ou ouvrières, « mères parfaites » et femmes, elles n’ont clairement pas eu le temps de remettre ce système en question. Et que, en toute logique, elles transmettent ce qu’elles ont appris.
“Pas facile de traquer la part de liberté et celle du conditionnement”
La femme gelée – Annie Ernaux
Editeur : Editions Folio, 1987
Prix : 6,30€
La 4ème de couverture
Elle a trente ans, elle est professeur, mariée à un «cadre», mère de deux enfants. Elle habite un appartement agréable. Pourtant, c’est une femme gelée. C’est-à-dire que, comme des milliers d’autres femmes, elle a senti l’élan, la curiosité, toute une force heureuse présente en elle se figer au fil des jours entre les courses, le dîner à préparer, le bain des enfants, son travail d’enseignante. Tout ce que l’on dit être la condition «normale» d’une femme.
Editions Folio