CES MURS QUI NOUS ECOUTENT, DE SPÔJMAÏ ZARIÂB

Mon avis

On connaît trop peu les autrices afghanes.

Ces murs qui nous écoutent est un recueil de nouvelles écrite par Spôjmaï Zariâb à la fin du XXe siècle, alors que les Talibans entrent pour la première fois à Kaboul. Les Afghans viennent de vivre une autre oppression, celle de la Russie.

C’est dans cette ambiance d’occupation communiste que s’inscrivent les 3 nouvelles du recueil. 3 nouvelles au premier abord très différentes :

🆔️“La carte d’identité” raconte l’histoire d’un garçon et de sa mère qui ont dû fuir leur village bombardé pour se réfugier à Kaboul. Malheureusement, le garçon n’a pas sa carte d’identité, restée dans les décombres. Et comme, malgré ses 15 ans, il fait très grand, il risque de se faire enrôler dans l’armée communiste. Il reste donc caché entre 4 murs… où “la nuit et le jour ont la même couleur, la clarté de la lampe tempête”, depuis 1 an, 3 mois et 8 jours.

👼“La chasse aux anges” que je vous ai lu pour Parenthèse à voix haute #2 (n’hésitez pas à aller voir l’IGTV), semble plus douce. On découvre une mère et sa fille dans l’atmosphère feutrée d’une maison confortable. Plaisirs d’enfants et souvenirs de jeunesse, l’ambiance est douce. Mais d’un coup, arrive un mal sournois : le poids des mots, la transmission des peurs.

🧱“Ces murs qui nous écoutent” ne cache pas son atmosphère oppressante. Dès les premières lignes une boule se crée dans mon ventre. Les protagonistes se savent surveillés par le pouvoir en place, partout, tout le temps. Il y a des disparitions, des incitations à la dénonciation… cette fois, même les murs de notre propre maison nous écoutent.

Petit à petit, nouvelle après nouvelle, Spôjmaï Zariâb fait grandir l’oppression et la peur.

Quand dans la 1ère nouvelle les 4 murs sont le dernier rempart entre le jeune garçon et la guerre, dans la dernière nouvelle c’est le secret caché dans la maison elle-même qui est le cœur du danger.

Quant à la 2ème nouvelle, celle qui me marque le plus, elle dévoile  une oppression qui entre insidieusement dans le foyer par les mots de la mère, par le conditionnement même des premiers oppressés.

Il y a énormément de finesse dans l’écriture de Spôjmaï Zariâb. Elle emploie, malgré les apparences, un langage et une écriture bien universelle. C’est une très belle découverte pour moi.

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Avis sur Ces murs qui nous écoutent, de Spôjmaï Zariâb
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Ces murs qui nous écoutent – Spôjmaï Zariâb (trad. Didier Leroy)
Editeur : Editions de L’Inventaire, 2000
Prix : 12,05 €

La 4ème de couverture

Composé en trois temps distincts sous l’occupation soviétique, ce récit fait entendre la voix singulière d’un écrivain contestataire mais non désespéré, dans une veine proche de Sâdeq Hedâyat, mais plus encore des poèmes d’amour de Râbé’a Balkhi, des chants des femmes pashtounes. Elle nous dit que toute société contient le ferment de l’oppression individuelle et qu’il appartient ici aux femmes d’opposer au pouvoir et à la guerre – parfois sans espoir de l’emporter – les valeurs plus fortes de l’humain et de l’amour.

À lire sur la thématique des guerres