MAUVAIS GENRE, DE CHLOE CRUCHAUDET

Une relecture qui n’a fait que confirmer un coup de cœur !

Quand Paul déserte les tranchées, traumatisé par les horreurs de la guerre, il retrouve les bras rassurants de Louise. Complices, ils tenteront de survivre à la guerre et à la patrie en travestissant Paul pour mettre au monde Suzanne. Paul restera Suzanne pendant plus de 10 ans. Ce qui est au départ une couverture deviendra une révélation. Paul a besoin de Suzanne. Paul est Suzanne.

Ici vous vous confronterez à des sujets complexes comme le traumatisme psychologique, la désertion, les violences conjugales, la prostitution, le travestissement et, surtout, les questions d’identité.

J’aime la complexité des personnages. Il n’y a pas vraiment de contextualisation psychologique. Chloé Cruchaudet ne cherche pas à expliquer pourquoi le comportement de son personnage central change du tout au tout. Elle se contente de nous donner à voir : sa vie, ses aventures, sa transformation progressive d’homme à femme mais aussi de douceur à violence. À nous de chercher, si on le souhaite, la raison de ce dernier changement.

Contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, il ne me semble pas si clair que la violence du personnage vienne du traumatisme de la guerre, du moins pas uniquement. Paul-Suzanne est un personnage émotionnellement instable. Malgré la progressive libération des mœurs, iel est en décalage complet avec ce que la société, et plus encore la patrie, attendent de lui. Se sentir enfermé, emprisonné, dans le rôle du brave soldat, puis de la femme et en fin de compte du mari “normal”, n’est-ce pas suffisant pour péter un câble ?

Je ne dis pas que la violence conjugale est justifiable pour quelque raison que ce soit, mais dire que la violence de Paul-Suzanne est due au traumatisme de la guerre revient, à mon sens, à invisibiliser une autre violence que subit le personnage. Celle de la soumission de l’identité fondamentale à la pression de la norme sociale.