Le balcon, de Jean Genet

Mon avis

La société occidentale est un bordel de luxe !

Bienvenue dans le Grand balcon, la “maison d’illusion” de madame Irma (comprendre : bordel de luxe). Dehors gronde la révolte, mais ici tout n’est que fantasme, rêve et duperie. Ici on joue aux jeux de pouvoir, ici on peut être Évêque, Juge, Général… Et après tout, ne l’est-on pas tout autant que les vrais, ceux de dehors. 

Où se situe la réalité ? Où est le jeu ? C’est bien la question que nous pose le dramaturge. “Ce qui compte c’est la lecture ou l’Image. L’Histoire fut vécue afin qu’une page glorieuse soit écrite puis lue”. Peu importe la vérité, tout n’est qu’illusion. Même la révolte est un jeu, un jeu social. Car il y a toujours “le détail faux qui leur rappelle qu’à un moment, à un certain endroit du drame, ils doivent s’arrêter, et même reculer…” 

Avec le balcon, Jean Genet bouscule notre appréhension de la société occidentale. Bien que le pays soit inconnu, que la période soit inconnue, la mise en abîme – récurrente chez Genet, lisez Les bonnes ! – nous perd entre vrai et faux pour arriver à cette conclusion subversive, à la limite de la déclaration anarchique : tout est faux. 

Genet s’évertue à perturber son spectateur et ça ne s’arrête pas à une remise en question de la société. Il remet en question nos existences mêmes : ta vie n’est qu’un jeu d’apparence, penses-tu vraiment que tu existes pour ce que tu crois être ? Par ses dernières lignes, que madame Irma prononce face public, il va jusqu’à nous interdire toute tranquillité d’esprit : “…il faut rentrer chez vous, où tout, n’en doutez pas, sera encore plus faux qu’ici…”. Le théâtre n’est plus un lieu de catharsis mais un miroir de nos vies.

Cette pièce est certainement le parfait théâtre-à-lire puisque Genet lui-même semble ne jamais avoir été convaincu par l’une ou l’autre de ses mises en scène. Et là se pose une question que j’adore voir traitée dans le théâtre contemporain : la mise en scène, même d’une œuvre écrite pour le théâtre, n’est-elle pas en elle-même une traduction ? N’induit-elle pas automatiquement une perte de sens ? 

Vous avez 4h. 

“Ce qui compte c’est la lecture ou l’Image. L’Histoire fut vécue afin qu’une page glorieuse soit écrite puis lue”

La 4ème de couverture

«L’artiste n’a pas – ou le poète – pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal. Qu’ils acceptent d’être maudits. Ils y perdront leur âme, s’ils en ont une, ça ne fait rien. Mais l’œuvre sera une explosion active, un acte à partir duquel le public réagit, comme il veut, comme il peut. Si dans l’œuvre d’art le « bien » doit apparaître, c’est par la grâce des pouvoirs du chant, dont la vigueur, à elle seule, saura magnifier le mal exposé.»

Jean Genet, Editions Folio

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Avis lecture pièce théâtre Le balcon Jean Genet
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Le balcon – Jean Genet
Editeur : Editions Folio, 1979
Prix : 6,90€