Qui a tué mon père, d’Edouard Louis

Mon avis

J’accuse Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron… “Pourquoi est-ce qu’on ne dit jamais ces noms ?” 

Classé dans les romans, au format poche, il s’agit en fait d’un long monologue de théâtre que j’ai vu adapté au théâtre par Stanislas Nordey en 2019.

Roman ou pièce de théâtre, Édouard Louis écrit sur son père, sur la condition sociale, sur la construction sociale de l’homme (le mâle). 

Une première partie de monologue qui fait du bien : je lis beaucoup sur la place laissée à la femme dans notre société misogyne, mais peu finalement sur celle imposée à l’homme. Un homme, un vrai, ne pleure pas, n’aime pas les films d’amour, ne fait pas de spectacle de danse, et, surtout, n’aime pas les autres hommes ! 

Dans un deuxième temps, le discours personnel se transforme en pamphlet contre la société politique. Un réquisitoire qui s’adresse à l’institution gouvernementale de ces deux dernières décennies, sans différenciation, sans couleur. Ce qu’une décision politique “simple” peut avoir de désastreux pour une famille pauvre. Ce que le discours des hauts placés peut nous inculquer de dégoût de nous-même

Petite, ma mère nous a emmenées aux Restos du cœur pour manger, dans des magasins de déstockage pour nous habiller… les comptes étaient précis et simples : 1,50€ par personne pour manger à chaque repas (entrée, plat, dessert). Et ce regard des autres. Le pauvre est celui qu’il faut fuir, celui qui tire la société vers le bas.

A tel point que, même en étant en bas de l’échelle, on trouve à mépriser plus petit que soi. “Moi, je ne vais pas à Emmaüs pour m’habiller !” 

Une claque, une flèche qui touche sa cible. Parce qu’entre ces mots j’entends mes propres cris pour une mère qui s’est tuée à la tâche, le dos courbé, détruit de tant d’années à astiquer les sols et les cuvettes des autres. Et qui m’a inculqué, à moi aussi, cette fierté de ne pas être de ceux-là : “Il n’y a pas de fierté sans honte : tu étais fier de ne pas être un fainéant parce que tu avais honte de faire partie de ceux qui pouvaient être désignés par ce mot”.

Et entre les lignes, une relation d’amour vrai entre un père et son fils, malgré le conditionnement, les incompréhensions, les paradoxes, la violence. 

Un très beau texte, à mettre entre toutes les mains.

“Il n’y a pas de fierté sans honte : tu étais fier de ne pas être un fainéant parce que tu avais honte de faire partie de ceux qui pouvaient être désignés par ce mot”

La 4ème de couverture

« L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique. »

Édouard Louis a publié deux romans, En finir avec Eddy Bellegueule et Histoire de la violence, qui ont été traduits dans une trentaine de langues.

Editions du Seuil

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Qui a tué mon père – Edouard Louis
Editeur : Editions du Seuil, 2018
Prix : 12€