La Théorie du chien perché, de Marie-Sabine Roger

Juliette est autiste, Etienne est simple d’esprit. Marie-Sabine Roger nous invite à entrer dans leurs têtes, à suivre leurs pensées, à tenter de comprendre leurs rapports au monde le temps de deux courtes nouvelles.

Juliette, c’est la première nouvelle, aimerait interagir avec son entourage mais elle ne le peut pas. Au quotidien Juliette a besoin de rituels qu’elle s’impose pour ne pas aller mal : elle compte, tout, tout le temps “et un et deux et trois…” ; elle “petipa-fourmisse” ; elle se bascule ; elle fait trois fois le tour de la chaise, puis deux, puis trois. Quand ça ne va pas Juliette criiiiis et griffe. Juliette, elle n’arrive pas à regarder les gens dans les yeux mais quand elle aime quelqu’un elle voit la moitié de son visage.

Des Juliette j’en ai connu quelques-unes dans ma vie, ma mère a été famille d’accueil après mon départ de la maison. Ce qui est évident c’est que chacun de ces enfants avaient un rapport au monde très différent, du nôtre mais aussi de celui des autres enfants qui les entouraient dans leurs institutions médico-éducatives. Ils ne semblaient être nulle part chez eux, nulle part vraiment compris. D’ailleurs à travers ces nouvelles on ressent également l’impuissance des parents, le difficile quotidien des accompagnants, et bon sang que c’est compliqué !

C’est peut-être pourquoi cette première nouvelle sur deux m’a particulièrement touchée. Je ne sais pas si l’esprit de la petite Juliette ressemble à celui d’un de ces enfants que j’ai croisés. A vrai dire j’en doute puisque chacun doit être très différent. Mais avec tout le talent et la délicatesse de Marie-Sabine Roger, il m’a semblé pouvoir, le temps de quelques pages percevoir l’enfermement de l’autisme et entrer dans un esprit qui ne fonctionne pas tout à fait comme le mien et qui pourtant est bien ancré dans ce monde, à sa manière.

Marie-Sabine Roger est d’une grande finesse dans son écriture, c’est une très belle découverte pour moi, et que je ne peux que vous inciter à faire à votre tour !

«  »Je monte l’escalier sur la pointe des pieds « et » un, « et » deux, « et » trois. J’ai bien mis tous les « et », et la porte est ouverte. »